Définition, propriétés et principe du modèle fractal


Définition

Définition mathématique

    Il n'est pas aisé de donner une définition mathématique d’un objet fractal. On connaît pourtant l'importance de définir en mathématiques... Dans notre cas, la définition se perdrait dans de rigoureuses et indigestes précisions mathématiques...
    Aussi, nous nous contenterons de donner une définition approximative des fractales, qui vous parlera certainement bien plus que la définition mathématique à proprement parler.

Définition simplifiée

Un objet est dit fractal, si d'une part, il apparait comme irrégulier et fragmenté, et si d'autre part, ces irrégularités se conservent quand on observe un détail de l'objet.


    Autrement dit, on peut reconnaître un objet fractal s'il a une forme plus ou moins fragmentée, et si on retrouve cette forme en changeant d'échelle.



Propriétés

Invariance d'échelle

     Pour bien comprendre la notion d'invariance d'échelle, nous étudierons l'exemple de la « courbe » ou « flocon » de Koch. Cette « courbe » s'obtient en appliquant à chaque côté d'un triangle équilatéral une transformation un peu différente : on remplace le 1/3 central de chaque côté par 2 segments ayant la même longueur que celle qui a été prélevée.

    À la première itération on obtient une image proche d'une étoile de David, puis au fur et à mesure des itérations successives le résultat mime plus ou moins un flocon de neige. Là encore, à quelque grossissement qu'on examine la « courbe » on observera les mêmes détails... pour autant que le nombre d'itérations soit infini (ou, au moins, assez important).

Longueurs et aires particulières

    Ce type de courbe présente une particularité bien curieuse. La première intuition conduit à penser que, puisqu'on ajoute des détails de plus en plus petits au fur et à mesure des itérations successives, le périmètre de cette figure tend vers une valeur limite finie.
     En réalité, à la première itération la longueur l de chaque côté est remplacée par 4 l / 3 ; à la deuxième elle devient 16 l / 9... Autrement dit, à chaque itération la longueur est multipliée par 4 / 3, ce qui signifie que (contrairement à l'intuition première) la longueur d'une courbe de Koch tend vers l'infini pour un nombre d'itérations infini. Et pourtant cette courbe ne déborde à aucun moment des limites constituées à l'extérieur par le cercle circonscrit au triangle initial, et à l'intérieur par le cercle inscrit dans ce triangle !

Dimension fractale

    Une autre propriété encore moins intuitive est relative à la dimension des objets fractals. Nous savons tous qu'un point est une figure de dimension 0, qu'une ligne droite est un objet de dimension 1, qu'une surface plane est un objet de dimension 2, qu'un volume est de dimension 3... Qu'en est-il d'un objet fractal ?
    Il existe plusieurs méthodes mathématiques pour exprimer la dimension d'un objet. Sans entrer dans les détails on peut penser qu'un objet bizarre comme la courbe de Koch, qui a une longueur infinie tout en n'emplissant qu'une région très limitée du plan, doit avoir des propriétés très particulières. En fait on peut démontrer que sa dimension est égale à log 4 / log 3. Presque tous les objets fractals ont des dimensions non entières, d'où le terme de "fractal". Ceci est encore moins intuitif qu'une longueur infinie.

Principes

Approche du principe fractal

    On obtient une image fractale en partant d'un objet graphique auquel on applique une certaine transformation qui ajoute un élément de complexité, puis en appliquant la même transformation au nouvel objet ainsi obtenu, ce qui accroît encore sa complexité... et en recommençant à l'infini ce processus d'itération.
     Bien entendu toutes les itérations n'engendrent pas des fractales. Prenons un segment de droite et effaçons-en une moitié, puis appliquons au demi-segment résultant la même opération : il est évident que pour un nombre d'itérations infini la figure tend vers un point. Rien de très passionnant.
     Si en revanche on prélève à ce segment son 1/3 central, puis qu'à chacun des deux segments résultants on enlève à nouveau leur 1/3 central, etc. on tend vers une figure, certes peu spectaculaire, mais dotée de propriétés mathématiques curieuses : la poussière de Cantor. En effet, imaginons qu'on zoome dans cette figure avec une loupe puis un microscope à des grossissements de plus en plus puissants. Quel que soit le grossissement on observera la même structure. On sera donc incapable, sur un détail, de décider quel est le grossissement auquel la poussière de Cantor aura été observée.


Principe mathématique

    Il existe toute une série d'objets fractals curieux qu'il est possible de construire à partir d'opérations simples de la géométrie euclidienne, comme les précédents. Certains sont des figures planes, d'autres déploient leur structure dans l'espace. Mais si l'on applique le procédé d'itération à des formules même très simples, utilisant les nombres complexes, on entre dans un monde fabuleux de formes étranges et d'une beauté parfois étonnante. Rappelons qu'un nombre complexe a la structure générale suivante :
z = x + yi
En utilisant un plan complexe, on peut alors représenter sous forme de graphique un objet fractal. En ajoutant un procédé particulier de colorisation, on obtient des images dites "fractales".

Ensemble de Julia

    Prenons une expression aussi simple que z'=z²+c, avec c un nombre complexe quelconque fixé au départ.
    On fait le calcul pour chacun des points z du plan complexe (chaque point a une coordonnée x réelle et une coordonnée y imaginaire). Seulement, petit détail, au lieu de faire le calcul une seule fois pour chaque point, on recommence en donnant à z la valeur z' trouvée dans le calcul précédent et l'on recommence encore en donnant à z la valeur z' trouvée par ce nouveau calcul...
    En bref on effectue un nombre d'itérations théoriquement infini lors du calcul de chacun des points, ce qui peut s'écrire zn+1=zn² + c en partant d'une valeur initiale z0 égale aux coordonnées de chaque point du plan complexe.

    Il est intéressant de voir vers quelle valeur tend cette fonction pour différents points du plan complexe. On s'aperçoit que pour beaucoup de points (c'est-à-dire de valeurs initiales de z) la fonction diverge plus ou moins rapidement (la valeur de z' s'écarte de plus en plus de la valeur initiale). Au contraire pour certains points le résultat reste définitivement enfermé dans un intervalle limité : la fonction ne diverge pas, même pour un nombre infini d'itérations.
    L'ensemble des points pour lesquels la fonction ne diverge pas forme un ensemble appelé ensemble de Julia rempli (la zone noire au centre de la figure ; l'ensemble de Julia stricto sensu est la frontière de cette zone). Bien entendu il existe un nombre infini d'ensembles de Julia, puisqu'on peut donner à c n'importe quelle valeur. Selon la valeur de c l'ensemble de Julia peut dessiner des figures très banales ou, au contraire, des images extraordinairement complexes et souvent très esthétiques. Ces ensembles de Julia sont des structures fractales.

c = -0.0519i + 0.688

    Dans certains cas l'ensemble de Julia est continu (ou, plus rigoureusement, connexe) comme ci-dessus, mais dans d'autres il est fragmenté (non connexe) comme ci-dessous :

c = -0.0577i + 0.478

    Les points pour lesquels la valeur de z diverge ne font pas partie de l'ensemble de Julia rempli : ils sont situés à l'extérieur. Mais on peut obtenir des informations complémentaires en leur affectant une luminosité ou une couleur fonction du nombre d'itérations nécessaires pour observer la divergence. En d'autres termes cette couleur est une mesure de la vitesse avec laquelle la fonction diverge pour ce point. Autour de l'ensemble proprement dit, coloré en noir ici, on observe une série d'auréoles dessinant des figures parfois très intéressantes (voir ci-dessus).

Ensemble de Mandelbrot

    Si, au lieu de donner une valeur fixe et arbitraire à c on lui affecte pour tout point du plan complexe une valeur initiale c = z0, on obtient un objet mathématique plus complexe appelé ensemble de Mandelbrot. L'ensemble de Mandelbrot est, là encore, l'objet noir au centre de l'image.



    Les ensembles de Mandelbrot et de Julia sont des objets fractals et en zoomant sur leur bordure on peut y voir, quel que soit le grossissement, des structures toujours aussi complexes et auto-similaires. C'est ainsi que l'ensemble de Mandelbrot possède à sa périphérie une multitude de ramifications qui se dilatent localement en mini-ensembles de Mandelbrot qui, à leur tour... Tous ces détails sont auto-similaires, ce qui ne veut pas dire qu'ils soient rigoureusement identiques entre eux (contrairement aux fractales vues plus haut, engendrées par des opérations géométriques simples).

    La série d'image suivante montre des grossissements de plus en plus forts révélant des mini-ensembles de Mandelbrot à la périphérie de l'ensemble central. Dans chacune un petit rectangle montre les limites de l'image suivante. Le facteur d'agrandissement entre la première et la dernière image de la série est de 3 200 000 fois.


    La fonction qui engendre les ensembles de Julia et de Mandelbrot est l'exemple le plus simple qu'on puisse trouver. Beaucoup d'amateurs d'images fractales utilisent d'autres fonctions. Certaines ne sont que des modifications plus ou moins complexes des formules de Julia et Mandelbrot ; d'autres sont totalement différentes.

    Il reste un dernier détail : comment tester si la fonction diverge pour un point donné du plan complexe ? Je me limiterai encore aux ensembles de Julia et de Mandelbrot, mais le principe est applicable à beaucoup d'autres fonctions. Il consiste à vérifier que le module de z reste inférieur ou égal à une valeur de référence qui, pour les deux ensembles choisis comme exemple, est 2 (sur ce point nous ferons confiance aux mathématiciens). C'est la « valeur d'échappement » (bailout value en anglais).

    Les applications des fractales aujourd'hui sont nombreuses; c'est ce que nous vous proposons de voir dans la section suivante.
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